Dans “le meilleur des mondes”​… de l’évaluation ? ????????????????

Il faut désormais regarder avec attention les questionnaires de satisfaction client, ceux-là même qui vont évaluer par exemple l’après-entretien ou -rdv téléphonique, entre VOUS, le « CLIENT », et un des services d’une entreprise.

Il y a peu de temps, j’ai été livré d’un équipement électroménager et j’ai été très heureux mais surpris d’accueillir deux personnes extrêmement « doucereuses et serviables »…????

En effet, mon expérience des relations clients, et humaines, m’a conduit à de tendre l’oreille vers mon interlocuteur pour tenter de comprendre ce qui se jouait ici…

« Emotional labor » comme l’appellent Arlie Russell Hochschild et Alicia Grandey, deux chercheuses spécialistes des émotions (Voir Hochschild, The Managed Heart, 1983 – Le Prix des Sentiments). Le « travail émotionnel », est cette capacité pour des individus « de jouer » leurs émotions (deep acting and surface acting) dans une situation de travail émotionnel, contre un salaire ou un autre type de compensation.

Hochschild (1983) a défini le travail émotionnel comme « la gestion des sentiments pour créer un affichage facial et corporel observable publiquement » (p. 7)

“I use the term emotional labor to mean the management of feeling to create a publicly observable facial and bodily display; emotional labor is sold for a wage and therefore has exchange value.

I use the synonymous terms emotion work or emotion management to refer to these same acts done in a private context where they have use value.” (Hochschild, 1983, p. 7)

Grandey (2000) a défini le « travail émotionnel » comme le processus de gestion des émotions de manière à ce qu’elles soient adaptées aux règles d’affichage organisationnelles ou professionnelles. Cette conceptualisation suppose que certaines organisations ou professions ont un certain type ou échantillon d’émotions qui doivent être affichées lors de l’interaction avec les clients (voir aussi Jeung et al., 2018 sur les risques de burnout du travail émotionnel).

Derrière l’engouement se cache une certaine tension, une souffrance…

Je ne pouvais pas mettre cette attitude enjouée et surfaite des livreurs sur le compte de leur premier rdv de la journée…

J’ai compris rapidement que leur démarche n’était pas complètement sincère et malgré leur amabilité et leur serviabilité, il manquait de la sincérité, de la confiance et un réel enthousiasme… En effet, ils m’ont indiqué que j’allais recevoir un mail pour évaluer mon niveau de satisfaction suite à leur passage????.

Un nouveau système de management dont vous êtes le héros ✴️

J’ai donc perçu l’enjeu de ce nouvel outil dans la besace des managers et des responsables de service « qualité »…

Je me rappelle alors avoir eu cette même recommandation de différents interlocuteurs (-trices) après un rdv avec ma banque, mon fournisseur d’énergie, mon fournisseur téléphonique…

« Merci de rester en ligne svp pour répondre à notre petit questionnaire… »

Bref, combien de fois ai-je dû déjà répondre par téléphone à LA question unique suite à mes échanges pour évaluer MA « satisfaction », oui voilà le mot magique des services qualité…

Mais quel est donc ce nouvel outil de « pressuration » des employés ?

Les livreurs m’ont donc expliqué que la première question comptait réellement pour eux et que l’entreprise ne prenait en compte que la note maximale, et que de 1 à 7 cela correspondait à un niveau nul…

J’ai rassuré mes deux livreurs du matin et leur ai assuré ma réponse favorable. Je ne voulais pas ajouter de la tension à cette situation ubuesque…????

Oui ! Sous prétexte de satisfaire le client à « tous prix », nous sommes prêts à entrer dans une ère de la post-évaluation directe et intrusive…

Cette évaluation l’imagineriez-vous dans votre quotidien en toute situation ???

Votre smartphone sonnant pour un questionnaire de satisfaction après avoir vu votre meilleur ami ?? Bu votre dernier café ?? Et je vous laisse imaginer toute sorte de croquignoles ????☀️

L’envers de la satisfaction client…

“La mesure c’est bien. En mal user, ça craint !” (Salon de la Relation Client de l’Ouest – 13 octobre 2020 I Cité des Congrès – Nantes)

Je vous partage donc cette vidéo avec @Christophe Benavent (Univ. Paris Nanterre), chercheur en marketing qui vient compléter mon idée d’un nouveau management par la satisfaction…

Il propose un mix de contrôle de gestion, de marketing et de stratégie. Il insiste sur l’importance de la vision, de l’offre et de la valeur… plutôt que des KPI (Key Performance Indicators – Indicateurs de Performance Clés) dans les organisations.

Le rituel du KPI ou comment ces mesures dans la « réputation », les signes de la qualité, ne sont pas exacts, mais permettent d’induire des opinions et des comportements par performativité (la vision d’un fétiche, ou la société de l’imposture selon Roland Gori).

Il analyse les outils de satisfaction des clients comme un service de mesure peu fiable et au regard des risques pour le bien-être des salariés :

« Aujourd’hui c’est un moyen d’évaluation des collaborateurs, de flicage et ça vient même intervenir sur le niveau des salaires » (Catherine Rucki-Lasnon, Henner GMC Assurances)

« Contacter un service client devient très difficile » avec les chatbots et l’absence de numéro de téléphone en première page d’un site web, le service client est relégué aux oubliettes…

Nous comprenons dès lors combien les questionnaires de satisfaction client sont dénués d’exactitude et servent d’une part l’intérêt de communication de celui qui les utilise à des fins commerciales, et d’autre part comme d’un instrument managérial de surveillance et de rétribution des salariés.

????Comment envisagez-vous la satisfaction du client ? Et à quels prix ?????????

–> Pour comprendre plus en profondeur les mécanismes des sondages d’opinion, il faut relire Pierre Bourdieu : L’opinion publique n’existe pas…

Pierre Bourdieu : L’opinion publique n’existe pas, 1972.

https://www.cairn.info/premieres-lecons-de-sociologie–9782130620396-page-111.htm#

https://www.monde-diplomatique.fr/2012/01/BOURDIEU/47159

Voir site SES-ENS : Connaître et mesurer l’opinion publique : utilité et limites des sondages : http://ses.ens-lyon.fr/articles/connaitre-et-mesurer-lopinion-publique-utilite-et-limites-des-sondages

REFERENCES :

  • Balech, S., Benavent, C., & Pechpeyrou, P. de. (2020). From Ratings to Sentiment Analysis: Toward a Better Understanding of Online Reviews? The Airbnb Case.[De la note au sentiment : mieux comprendre les effets des avis en ligne ? Une application à la plateforme Airbnb]. In Post-Print (hal-02440908; Post-Print). HAL. https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-02440908.html
  • Benavent, C. : Voir http://archives.marketing-trends-congress.com/2020/pages/PDF/041.pdf et https://benavent.fr/
  • Bourdieu, P. (1973). L’opinion publique n’existe pas. Les Temps Modernes. n° 318. p. 1292-1309.
  • Grandey, A. A. (2000). Emotional regulation in the workplace: A new way to conceptualize emotional labor. Journal of Occupational Health Psychology, 5(1), 95–110.
  • Hochschild, A. R. (1983). The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling. University of California Press.
  • Jeung, D.-Y., Kim, C., & Chang, S.-J. (2018). Emotional Labor and Burnout: A Review of the Literature. Yonsei Medical Journal, 59(2), 187.

Une innovation “responsable” comment donner du sens dans les organisations ?

#Philosophie

????”La philosophie n’est pas « corporate », c’est avant tout une attitude intrinsèque à l’individu qui ne se préoccupe pas de la sphère professionnelle ou privée, qui ne s’intéresse pas au rendement ou encore à la performance des équipes.

Attaché au désintéressement, le philosophe ne cherche ni le consensus à tout prix, ni l’apaisement sans avoir réglé le problème de fond, ni l’intérêt particulier, car son enjeu est le bien commun” (Xavier Pavie, 2020).

⚙️????Je partage avec Xavier Pavie ce questionnement sur la “pensée” dans les organisations, il faut redonner du sens (bien commun) au collectif pour que les individus y trouvent leur place…

✴️ Aussi, son récent ouvrage, sur une approche critique de l’innovation, nous apporte un angle de vue particulier et phénoménologique, où il en questionne l’essence (voir Husserl par exemple avec l’intuition sensible et l’intuition éidétique).

⚙️ Une innovation “responsable” dans les organisations nécessiterait une analyse détaillée et approfondie des différentes structures et stratégies d’innovation (comme l’engagement du service Public et celles des parties prenantes)…

▶️ Et vous, comment voyez-vous l’innovation aujourd’hui ? ????????

 

REFERENCES :
– de Hoop, E., Pols, A., & Romijn, H. (2016). Limits to responsible innovation. Journal of Responsible Innovation, 3(2), 110–134.
– Gianni, R., Pearson, J., & Reber, B. (Eds.). (2019). Responsible research and innovation: From concepts to practices. Routledge, Taylor & Francis Group.
– Jarmai, K. (Ed.). (2020). Responsible Innovation: Business Opportunities and Strategies for Implementation. Springer Netherlands.
– Pavie, X. (2014). Responsible innovation: From concept to practice. World Scientific.
– Pavie, X. (2020). Philosophie critique de l’innovation et de l’innovateur. ISTE Editions.
Qu’en penses-tu Guillaume ? ????????

l’innovation n’est pas un but ! c’est un moyen pour faire mieux … à mon point de vue, pour que les solutions répondent mieux aux besoins en mobilisant moins de ressources, qu’elle créent plus de valeur(s), ce qui permet une meilleure satisfaction des parties prenantes qui d’une part portent les besoins et d’autres part contribuent à la solution en particulier, notre époque a (re)pris conscience des parties prenantes que sont 1° l’environnement naturel, qui fournit tant de choses pour répondre à nos besoin humains et qu’on oublie trop souvent de remettre en état sans parler de l’améliorer, et 2° la ‘société’ c-à-d les autres humains concernés moins directement ou plus tard bel objectif d’innovation que d’améliorer les solutions pour qu’elles apportent plus à l’environnement naturel et humain !

Merci ???? Olaf pour ce message et je partage aussi cet avis. C’est pour cela que l’innovation se doit de devenir responsable et durable, comme pour les Communs (comme chez Ostrom) qui sont limités et doivent être soumis à des règles d’appropriation. ✴️–> Trois dimensions contextuelles d’une innovation responsable (Pavie et al., 2014) : l’environnement et l’écosystème, la technologie et la politique, le vivant et ses avatars. ????Comme tu le précises justement, l’innovation est un moyen, un processus de gestion, la mise en œuvre réussie d’idées nouvelles et créatrices au sein d’une organisation : ▶️ “L’innovation est la gestion de toutes les activités impliquées dans le processus de génération d’idées, de développement technologique, de fabrication et de commercialisation d’un produit ou d’un processus de fabrication ou d’un équipement nouveau (ou amélioré).” (Trott, P. [2017]. Innovation management and new product development [Sixth Edition]. Pearson. p. 16).

Merci David HAMPTON-MUSSEAU pour toutes ces sources solides. L’innovation est indissociable de l’intelligence collective, je pense? À mes yeux, elle a lieu dès qu’une invention (une belle idée) rencontre la réalité du marché. L’inventeur doit se remettre au travail et il ou elle n’est plus tout seul. S’il ou elle s’abreuve aux bonnes sources, son aventure humaine prend corps puis grandit.

Merci ???? … Romain Habig … pour ton message et il apparaît désormais que plus encore que l’innovation, c’est la soutenabilité (sustainibility), les caractères socio-éco-environnementaux dans un souci du bien commun qui s’impose pour cette innovation… C’est là que la Philosophie, en tout cas la pensée critique hashtagCriticalThinking tient toute sa place dans les organisations et notre société ????????

Anders et le “supraliminaire”, ce qui ne peut être perçu parce que trop grand…????????

#CriticalThinking

???????? La pensée riche de Günther Anders…
Je vous invite donc à découvrir cette rencontre récente d’un jeune intellectuel de 99 ans… avec un autre débutant de 82 ans…
Edgar Morin et Pierre Rabhi, nous invitent à une approche par la “pensée complexe”, qui n’a rien de “compliquée”, puisqu’elle incite à établir et rétablir “le lien entre les choses”.
Pour se questionner sur la “modernité” et libérer les potentiels de l’Eros ;)????

▶️✴️ Oui lire ou relire Günther Anders (dont L’Obsolescence de l’homme, 1956, 1980) cela réveille plutôt bien notre esprit critique ????????

???? Internet « en soi » n’est pas questionné dans l’article d’Usbek & Rika (voir lien en commentaire) mais « la honte prométhéenne », un certain progrès inutile et même mortifère… un transhumanisme de fuite pour quelques élites richissimes ????

#PenseeComplexe #Surliminal

???? Jean-Louis Le Moigne (spécialiste de la pensée systémiques et d’une approche constructiviste) proposait son « triangle d’or épistémologique PSM » ainsi : Jean Piaget, Herbert Simon et Edgar Morin ⚙️

Voir l’article sur Gunther Anders dans Usbek & Rika : https://usbeketrica.com/fr/article/pourquoi-il-faut-re-lire-l-obsolescence-de-l-homme-de-gunther-anders 

Anders… formidable penseur qui développa son concept de “supraliminaire” (Anders, 1956, 291-293; entendu comme ce qui ne peut être perçu parce que trop grand) nous éclaire ici encore… ????????

– Anders, G. (2002). L’obsolescene de l’homme: Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle (1956).

– Mengard, F. (2019). La notion de « supraliminaire » chez Günther Anders: Comment penser le déclin et la renaissance de Prométhée à l’ère technologique ? In H. Machinal & E. Després (Eds.), PostHumains: Frontières, évolutions, hybridités (pp. 119–136). Presses universitaires de Rennes. http://books.openedition.org/pur/52513

????⚙️ Rappelons-nous aussi en des moments tragiques et graves, un certain sens de “la peur” dans l’Histoire…

« This is preeminently the time to speak the truth, the whole truth, frankly and boldly. Nor need we shrink from honestly facing conditions in our country today. This great Nation will endure as it has endured, will revive and will prosper. So, first of all, let me assert my firm belief that the only thing we have to fear is fear itself—nameless, unreasoning, unjustified terror which paralyzes needed efforts to convert retreat into advance. » From Franklin D. Roosevelt, Inaugural Address, March 4, 1933, as published in Samuel Rosenman, ed., The Public Papers of Franklin D. Roosevelt, Volume Two: The Year of Crisis, 1933 (New York: Random House, 1938), 11–16.

« C’est éminemment le moment de dire la vérité, toute la vérité, franchement et hardiment. Nous ne devons pas non plus nous abstenir de regarder honnêtement en face les conditions de notre pays aujourd’hui. Cette grande nation résistera comme elle a résisté, se ravivera et prospérera. Alors, tout d’abord, permettez-moi d’affirmer ma ferme conviction que la seule chose que nous ayons à craindre est la peur elle-même – une terreur sans nom, déraisonnable, injustifiée qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir le recul en avance »