Leadership “toxique” et management délétère…

Le leader “toxique” inclut un grand nombre de mauvaises pratiques, actions et comportements délétères.

Les traits de personnalité pathologiques, comme les 3 classiques “Dark Triad” (Paulhus & Williams, 2002) = Narcissisme, Machiavélisme et Psychopathie, sont des éléments particuliers dans les attitudes de ces bad leaders qui ont montré leur existence dans certaines organisations avec leur cortège de conséquences dramatiques pour les individus et les entreprises (Cohen, 2016; Kaiser et al., 2015; LeBreton et al., 2018).

Les traits les plus fréquents de ces « bad leaders » sont la fausseté, le mensonge et la tricherie, ainsi que l’absence de sens moral. Ces leaders peuvent se considérer davantage à leur propre service qu’au service des autres, par exemple en cherchant à satisfaire des besoins démesurés de statut social et d’estime d’eux-mêmes.

Les leaders peuvent être narcissiques à des degrés divers, les plus graves étant « capables de se montrer extrêmement charmants, manipulateurs et cruels envers les autres quand il en va de leur intérêt personnel de l’être » (House & Howell, 1992, p. 98). Leurs subordonnés peuvent perdre leur sens critique, devenir soumis, voire dépendants… Un syndrome d’hybris peut même apparaître chez certains CEO, infectés par l’orgueil et des comportements parfois violents et démesurés. En plus d’une dimension psycho-pathologique, l’hybris contient également une dimension éthique (Petit & Bollaert, 2012).

L’hypocrisie, la fausseté ou l’inauthenticité caractérisent certains. Ils peuvent se donner l’apparence du leader transformationnel en agissant en réalité à des fins différentes, de manière manipulatoire…

????⚙️ La liste des vices dominants étudiés par la littérature est bien longue (Chandler, 2009; Erickson et al., 2015; Krasikova et al. 2013; Schyns & Schilling, 2013; Tepper et al., 2017; Zaitseva & Chaudat, 2016): l’arrogance, la fierté mal placée, la prétention démesurée, le manque d’inhibition sociale, la tendance à abuser des autres, l’autonomie excessive de comportement conduisant au mépris des règles, la malveillance…

Dans son livre, Barbara Kellermann (2005), classe les « bad leaders » selon 7 caractéristiques :

• Incompétence ;

• Rigidité, incapacité à s’adapter à de nouvelles idées, à de nouvelles informations ou à des changements dans le temps ;

• Intempérance, manque de maîtrise de soi, subordonnés qui n’osent ou ne peuvent pas intervenir ;

• Inhumanité, insensibilité, ce qui conduit à ignorer ou à dévaluer les besoins, les désirs et les souhaits de la plupart des membres de l’organisation ;

• Corruption, mensonge, tricherie ou vol ;

• Etroitesse de la vision qui conduit à la minimisation ou au mépris de la préoccupation pour la santé ou le bien-être de personnes en dehors de l’organisation et celles dont il a la responsabilité ;

• Malice, utilisation de la souffrance comme instrument de pouvoir, psychologique ou physique, ou les deux…????????

???? Par exemple, Conger (2005) détermine 7 situations très répandues Outre-Atlantique :

• Des administrateurs qui votent les revenus du président, sont eux-mêmes président d’autres sociétés et attendent une réciprocité,

• Les consultants qui sont des éléments de référence sur la rémunération du dirigeant qui dépend d’eux pour obtenir d’autres contrats avec la société,

• Les entreprises sont connues comme étant privées et non publiques au service de l’intérêt général,

• Les dirigeants ont une image publique de héros romantique affrontant seul des difficultés colossales,

• Les éléments de la rémunération du dirigeant n’ont pas le même degré de transparence,

• Un ensemble de déductions fiscales complexes réduit encore la transparence du système,

• « Trop de cadres dirigeants ont des personnalités narcissiques ».????????

Pas de tabou, sur ce leadership toxique, les entreprises et organisations en général se doivent d’être particulièrement attentif à ce risque.

Partant de l’idée que ces leaders toxiques peuvent se trouver à tous les étages et qu’ils ont moins de marge de liberté lorsque les subordonnés ont peuvent s’exprimer sans risque, quels moyens d’expression adaptés mettre en place dans une organisation ?

Par exemple :

– Est-ce que des enquêtes d’opinion interne sont-elles suffisamment fines, et réalisées dans des conditions suffisamment objectives, pour permettre des feedbacks et des discussions ouvertes ?

– Utilisez-vous régulièrement des évaluations à 360° ?

– Les leaders sont-ils évalués et rémunérés non seulement sur leurs résultats, mais aussi sur la manière de les atteindre, sur la qualité de leur leadership ?

En raison d’interactions inévitables entre leader, organisation et environnement, comment amener votre organisation à s’interroger sur ses signes de toxicité et à faire preuve de discernement et d’engagement à cet égard ?

????????D’autres piste sont complémentaires, comme le développement des habilités d‘intelligence émotionnelle (IE, Salovey & Mayer, 2000; Mayer et al., 2016) des membres d’une organisation ⚙️????

Comment envisagez-vous ces propositions dans vos organisations ?

Parlons-en, contactez-moi ! ????????

REFS:

-Braun, S. (2017). Leader Narcissism and Outcomes in Organizations: A Review at Multiple Levels of Analysis and Implications for Future Research. Frontiers in Psychology, 8, 773.

-Chandler, D. J. (2009). The Perfect Storm of Leaders’ Unethical Behavior: A Conceptual Framework. International Journal of Leadership Studies, 5(1), 69–93.

-Cohen, A. (2016). Are they among us? A conceptual framework of the relationship between the dark triad personality and counterproductive work behaviors (CWBs). Human Resource Management Review, 26, 69–85.

-Conger, J. A. (2005). “Oh Lord, won’t you buy me a Mercedes-Benz”: How compensation practices are undermining the credibility of executive leaders. In J. B. Ciulla, T. L. Price, & S. E. Murphy, The quest for moral leaders: Essays on leadership ethics (pp. 80-97). Northampton, MA: Edward Elgar.

-Erickson, A., Shaw, B., Murray, J., & Branch, S. (2015). Destructive leadership: Causes, consequences and countermeasures. Organizational Dynamics, 44(4), 266–272.

-Fatfouta, R. (2019). Facets of narcissism and leadership: A tale of Dr. Jekyll and Mr. Hyde? Human Resource Management Review, 29(4), 100669.

-House, R. J., & Howell, J. M. (1992). Personality and charismatic leadership. The Leadership Quarterly, 3(2), 81–108.

-Kaiser, R. B., LeBreton, J. M., & Hogan, J. (2015). The Dark Side of Personality and Extreme Leader Behavior: Dark-Side Traits and Leadership. Applied Psychology, 64(1), 55–92.

-Kellerman, B. (2005). How bad leadership happens. Leader to Leader, 2005(35), 41–46.

-Krasikova, D. V., Green, S. G., & LeBreton, J. M. (2013). Destructive Leadership: A Theoretical Review, Integration, and Future Research Agenda. Journal of Management, 39(5), 1308–1338.

-LeBreton, J. M., Shiverdecker, L. K., & Grimaldi, E. M. (2018). The Dark Triad and Workplace Behavior. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 5(1), 387–414.

-Mayer, J. D., Caruso, D. R., & Salovey, P. (2016). The Ability Model of Emotional Intelligence: Principles and Updates. Emotion Review8(4), 290–300.

-Paulhus, D. L., & Williams, K. M. (2002). The Dark Triad of personality: Narcissism, Machiavellianism, and psychopathy. Journal of Research in Personality36(6), 556–563.

-Petit, V., & Bollaert, H. (2012). Flying Too Close to the Sun? Hubris Among CEOs and How to Prevent it. Journal of Business Ethics, 108(3), 265-283.

-Salovey, P., & Mayer, J. D. (1990). Emotional Intelligence. Imagination, Cognition and Personality, 9(3), 185–211.

-Schyns, B., & Schilling, J. (2013). How bad are the effects of bad leaders? A meta-analysis of destructive leadership and its outcomes. The Leadership Quarterly, 24(1), 138–158.

-Tepper, B. J., Simon, L., & Park, H. M. (2017). Abusive Supervision. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4(1), 123–152.

-Treviño, L. K. (2005). The Role of Leaders in Influencing Unethical Behavior in the Workplace. In Managing Organizational Deviance (pp. 69–96).

-Zaitseva, V., & Chaudat, P. (2016). Les déterminants organisationnels du harcèlement moral: Une analyse d’une revue actualisée de littérature. Management & Avenir84(2), 115.

♻️???? Boîtes à Mégots et limites des nudges ????????

♻️Avez-vous aussi vu ces “boîtes-choix” à mégots qui fleurissent aux portes de nombreux établissements et bâtiments ?♻️♻️????
La bienveillante volonté de réduire l’impact délétère des mégots par terre, en misant sur un “Nudge” peut s’avérer parfois peu efficace sur les usagers-cibles…????????
Un nudge est un dispositif qui doit permettre l’incitation d’une cible à changer ses comportements ou à faire certains choix sans être sous contrainte, ni obligations, et sans sanction.

Thaler and Sunstein (2009, p. 6) ont défini un nudge comme suit :

“A nudge, as we will use the term, is any aspect of the choice architecture that alters people’s behavior in a predictable way without forbidding any options or significantly changing their economic incentives. To count as a mere nudge, the intervention must be easy and cheap to avoid. Nudges are not mandates. Putting fruit at eye level counts as a nudge. Banning junk food does not.” 

Cependant, quand un soupçon de manipulation prédomine sur l’acceptation inconsciente (nudge transparent), ou consciente (nudge apparent plus éthique), l’individu active son Système réflexif 2 (Kahneman et Tversky, 1974, 1981) et non plus le Système 1 plutôt automatique.
????La réactance est une réaction négative et un mécanisme de défense psychologique mis en place pour résister à une tentative perçue de restreindre ses libertés ou ses choix.
Dans une étude exploratoire expérimentale, Carrel et ses collègues (2018) trouvent que seulement 40% des personnes vont utiliser la boîte, en déclarant ultérieurement avoir majoritairement un avis plutôt positif sur l’objectif et la technique du nudge. 
Pour retrouver l’étude exploratoire expérimentale p.48 : http://www.aderse.org/docatelecharger/Actes_colloque_2018/Atelier1/Atelier1.pdf
A vouloir “nudger” à tout prix, c’est la réactance qui va souvent être la résultante et aboutir parfois à des conséquences calamiteuses et involontaires… (Zemack-Rugar, 2017)
???????? La réactance est la “motivation interne” pour récupérer notre sens de la liberté lorsque nous sentons qu’il nous est enlevé. Nudger trop les gens en utilisant un langage trop assertif ou les forcer à faire des choix qui ne semblent pas naturels peut déclencher cette réactance. En réponse, les gens peuvent faire le contraire de ce que vous aviez l’intention de faire pour retrouver leur liberté.
???? Certaines méthodes peuvent éviter de déclencher cette réactance, telles que prévenir les personnes, leur donner leur autonomie, utiliser un langage empathique ou narratif et recadrer les pertes perçues au niveau de la liberté comme des opportunités à gagner.
Mais, faut-il encore que cette démarche s’inscrive dans un cadre moral et éthique prédominant ????????.
Hansen (2016, p. 20) a apporté des précisions à cette définition ainsi :
“A nudge is a function of (I) any attempt at influencing people’s judgment, choice or behavior in a predictable way, that is (1) made possible because of cognitive boundaries, biases, routines, and habits in individual and social decision-making posing barriers for people to perform rationally in their own self-declared interests, and which (2) works by making use of those boundaries, biases, routines, and habits as integral parts of such attempts. Thus a nudge amongst other things works independently of: (i) forbidding or adding any rationally relevant choice options, (ii) changing incentives, whether regarded in terms of time, trouble, social sanctions, economic and so forth, or (iii) the provision of factual information and rational argumentation”. 
????????Dans son article de 2017, Sunstein (p. 21) confirme que les nudges peuvent également être inefficaces et moins efficaces que prévu pour cinq raisons :
(1) certains nudges créent de la confusion chez le public cible ;
(2) certains nudges n’ont que des effets à court terme ;
(3) certains nudges produisent une «réactance» (bien que cela semble rare) ;
(4) certains nudges sont basés sur une compréhension inexacte (bien que initialement plausible) de la part des architectes de choix, des types d’architecture de choix qui déplaceront les gens dans des contextes particuliers ;
et (5) certains nudges produisent un comportement compensateur, ne produisant aucun impact net.
 
Merci Guillaume pour cet exemple intéressant qui allie  incitation, récompense et reconnaissance mais qui reste un Nudge ????
Pour inciter les non-participants, il faut revoir les modalités de leur non usage et pour certains, il apparaît que le nudge est une contrainte de liberté personnelle. Ils vont donc activer leur “réactance” et se détourner du dispositif. Les récompenses peuvent inciter mais dans le cadre de politiques publiques, il est aisé d’imaginer que le coût moindre est le plus probable… 
Autre point, si on se réfère à Kurt Lewin (1947) et ses théories des Champs, il est possible de penser que certaines personnes pourraient changer si on leur expliquait (en particulier des pairs) pourquoi ce dispositif est en place, comment il fonctionne… Il s’agirait d’activer la reconnaissance sociale et la conformation au groupe par l’integration des valeurs.????????
Déjà, les limites éthiques de certains nudges avaient été relevées ⚙️
Que pensez-vous de ces techniques d’influence ? ????????
REFERENCES :
  • Arad, A., & Rubinstein, A. (2018). The People’s Perspective on Libertarian-Paternalistic Policies. The Journal of Law and Economics, 61(2), 311–333.
  • Bovens, L. (2009). The ethics of nudge. Theory and decision library A (42). Springer, pp. 207-219.
  • Breton, P. (2008). Convaincre sans manipuler : apprendre à argumenter. Paris : La Découverte: 152 p.
  • Carrel, C., Bataoui S., & Gerard J. (2018). Mieux comprendre le fonctionnement des nudges : proposition d’un modèle intégrateur. 15ème Congrès de l’ADERSE.
  • Hansen, P. G. (2016). The Definition of Nudge and Libertarian Paternalism: Does the Hand Fit the Glove? European Journal of Risk Regulation, 7(1), 155–174.
  • Hansen, P. G., Jespersen, A. M. (2013). Nudge and the Manipulation of Choice: A Framework for the Responsible Use of the Nudge Approach to Behaviour Change in Public Policy. European Journal of Risk Regulation, Vol 3, issue 1, pp. 3-28.
  • Hedlin, S., & Sunstein, C. R. (2016). Does Active Choosing Promote Green Energy Use? Experimental Evidence. Ecology Law Quaterly, 43(1), 107-141.
  • Huyard, C., (2016). « Nudges » : validité, limites et enjeux éthiques, notamment en santé. Médecines et santé. ; 32 : 1130-4. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/pdf/2016/12/medsci20163212p1130.pdf
  • Lewin, K. (1947a). Frontiers in Group Dynamics: Concept, Method and Reality in Social Science; Social Equilibria and Social Change. Human Relations, 1(1), 5–41. https://doi.org/10/frtp32
  • Lewin, K. (1947b). Frontiers in Group Dynamics: II. Channels of Group Life; Social Planning and Action Research. Human Relations, 1(2), 143–153. https://doi.org/10/c8m28b
  • Ly, K., Mazar, N., Zhao, M., & Soman, D., (2013), A Practitioner’s Guide to Nudging. Rotman School of Management Working Paper No. 2609347. https://papers.ssrn.com/sol3/Delivery.cfm/SSRN_ID2609347_code504062.pdf?abstractid=2609347&mirid=1
  • Sunstein, C. R. (2017). Nudges that fail. Behavioural Public Policy, 1(1), 4–25.
  • Thaler, R. H., & Sunstein, C. R. (2009). Nudge: Improving decisions about health, wealth, and happiness (Rev. and expanded ed., with a new afterword and a new chapter). New York, NY: Penguin.
  • Tversky, Amos, & Kahneman, D. (1974). Judgment under Uncertainty: Heuristics and Biases. Science, 185(4157), 1124–1131. 
  • Tversky, A., & Kahneman, D. (1981). The framing of decisions and the psychology of choice. Science, 211(4481), 453–458.
  • Zemack-Rugar, Y., Moore, S. G., & Fitzsimons, G. J. (2017). Just do it! Why committed consumers react negatively to assertive ads. Journal of Consumer Psychology, 27(3), 287–301.